MÉMOIRE DU CONSEIL DES CANADIENS AVEC DÉFICIENCES

Introduction

Le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD) est la seule organisation nationale d’hommes et de femmes à multi-déficiences œuvrant pour un Canada accessible et inclusif.

Les personnes handicapées veulent, comme tous les autres Canadiens, bénéficier de la prospérité du pays. Mais de perpétuels obstacles les empêchent de participer pleinement aux activités productives du pays.  Le CCD revendique l’élimination de ces obstacles afin que les Canadiennes et les Canadiens avec des déficiences puissent s’immerger dans l’économie canadienne.

Sous l’égide du CCD et de l’Association canadienne pour l’intégration communautaire (ACIC), les personnes handicapées et leurs familles ont, à cette fin, élaboré un Plan national d’action.  Dans ce mémoire, le CCD exposera les solutions afférentes aux travaux du Comité Permanent des finances qui souhaite entendre les vues de particuliers et de groupes sur les questions suivantes:

·         comment assurer une reprise économique soutenue au Canada,

·         comment créer des emplois durables et de qualité,

·         comment maintenir les taux d’imposition à des niveaux relativement faibles,

·         comment atteindre un budget équilibré, et

·         comment stimuler la  création d’emplois et l’investissement des entreprises afin d’assurer à tous la prospérité et un niveau de vie élevé.

Nous comprenons parfaitement que le Comité s’intéresse particulièrement « aux réflexions et aux suggestions des Canadiens quant aux moyens de stimuler la création d’emplois et l’investissement des entreprises afin d’assurer à tous la prospérité et un niveau de vie élevé. »  Le CCD se concentrera sur les solutions visant à assurer la prospérité et un niveau de vie élevé à tous les citoyens.

Le CCD sait pertinemment que l'autorité fédérale a des limites et que plusieurs de nos enjeux relèvent des champs de compétence provinciaux et territoriaux.  Le CCD recommande donc au gouvernement fédéral de collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux à la mise en vigueur de stratégies de main d'œuvre et de vastes initiatives de politique sociale visant à répondre aux besoins des personnes handicapées.  Le CCD saisit toutes les occasions possibles pour demander au gouvernement fédéral d'exercer ses pouvoirs législatifs et son autorité en matière de programmation afin de veiller à ce que les personnes handicapées soient pleinement intégrées dans les programmes et services canadiens et, par conséquent, puissent contribuer à la prospérité économique et sociale du pays.

Aider les personnes vulnérables

En cette difficile période de déficit budgétaire, le CCD exhorte le gouvernement du Canada à ne pas négliger les personnes déjà fortement défavorisées.  Au sein de la collectivité des personnes handicapées, nombre d’entre elles vivent avec moins de 10 000 $ par an.

Les Canadiennes et les Canadiens handicapés doivent se battre pour que leurs besoins soient comblés.  Lors de périodes plus difficiles, ils sont souvent les premiers à subir les effets des compressions de services et de mesures de soutien ainsi que les pertes d'emploi.

Le CCD propose respectueusement les trois recommandations suivantes qui, si elles étaient mises en vigueur, maximiseraient les chances d’inclusion et de contribution des personnes avec des limitations fonctionnelles, amélioreraient leur niveau de vie et leur permettraient de bénéficier de la prospérité canadienne.

1.  S’attaquer à la pauvreté disproportionnée subie par les Canadiens avec des déficiences

Le Régime enregistré d’épargne-invalidité, créé dans le budget de 2007, est une excellente mesure mais les Canadiens handicapés devront attendre une dizaine d’années avant d’en bénéficier concrètement.  Le programme de crédit d’impôt pour personnes est actuellement le principal programme fédéral à tenir compte, pour les personnes répondant aux critères d’admissibilité, des « coûts liés aux limitations fonctionnelles, ne pouvant être ni détaillés ni remboursés. »  À l’heure actuelle, de nombreux Canadiens handicapés, éventuellement admissibles au CIPH ne peuvent en profiter puisqu’ils n’ont pas de revenu imposable.

Le CCD recommande que:

Le crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) soit remboursé aux Canadiennes et aux Canadiens avec déficiences n’ayant pas de revenu imposable

2.  Prolonger le versement de la prestation de maladie de l’A.E

 Un travailleur qualifié peut percevoir la prestation de maladie de l’A.E pendant quinze (15) semaines.  Dans ce domaine d’ailleurs, le Canada traîne derrière de nombreux pays.  Cette période inadéquate de versements accroît le risque de pauvreté pour de nombreux Canadiens handicapés.  Dans «Les Canadiens ont besoin d’une prestation d’invalidité/maladie à moyen terme, Michael J. Prince déclare:

Au Canada, le fondement social  de la sécurité du revenu est nettement fragilisé. Le problème, beaucoup plus profond qu’une simple fissure, porte sur l’absence de programme d’assurance sociale pour des millions de travailleurs dont l’emploi et les gains risquent d’être interrompus par une déficience ou une maladie.

Prince 2008, p.1

Dans son Plan national d’action, la collectivité des personnes handicapées a recommandé que le programme soit modifié afin de garantir un versement de 52 semaines de la prestation de maladie de l’A.E.  Première étape vers l’éradication de la pauvreté des personnes avec des déficiences, cette réforme assurerait un revenu continu en cas de maladie ou de déficience.  Notons que plus d’une centaine d’organisations canadiennes ont appuyé cette recommandation en endossant ledit Plan.

Le CCD recommande que:

Le gouvernement du Canada réforme le programme de prestation de maladie de l’A.E. afin d’assurer un versement pendant cinquante-deux (52) semaines.

3. Appuyer les organisations de personnes handicapées

Pendant une période de récession économique, les organisations de personnes handicapées sont de plus en plus sollicitées pour créer ou appuyer des services communautaires visant à venir en aide aux personnes ayant perdu leur emploi ou plus vulnérabilisés par une telle conjoncture.  Au Canada, ces organisations fournissent une vaste gamme de programmes aux membres de la collectivité, depuis la formation jusqu’au perfectionnement professionnel en passant par les mesures de soutien individuelles et des abris.  Dans ces périodes difficiles, les bénévoles et leurs associations s’acharnent à régler les problèmes qu’affrontent de nombreuses personnes.  Leur rôle est primordial.  Le gouvernement du Canada doit leur permettre de continuer à apporter leurs solides et efficaces contributions, comme elles seules sont capables de le faire.

Le CCD recommande que:

Le gouvernement du Canada renouvelle et prolonge le Programme de partenariats pour le développement social qui aide la collectivité des personnes handicapées à conseiller et informer le gouvernement afin de bâtir un Canada plus accessible et plus inclusif.  Ce fonds n’a pas augmenté depuis 1996; les personnes handicapées et leurs organisations ont sans cesse été priées d’agir davantage avec de moins en moins de ressources.  Cela ne peut continuer.  Si le gouvernement ne bonifie pas cette aide, la valeur ajoutée issue de la participation des organisations sera vite perdue.

Conclusion

Le 11 mars 2010, le gouvernement du Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH).  En adoptant les recommandations proposées par le CCD dans ce mémoire, le gouvernement fédéral agira conformément à l’esprit de la CDPH qui oblige les États Parties à assurer une réalisation progressive des objectifs stipulés dans la Convention.  Les articles afférents sont ajoutés à l’Annexe «A».

Annexe « A » - Articles afférents de la CDPH

Article 28

Niveau de vie adéquat et protection sociale [1]

1. Les États Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à un niveau de vie adéquat pour elles-mêmes et pour leur famille, notamment une alimentation, un habillement et un logement adéquats, et à une amélioration constante de leurs conditions de vie et prennent des mesures appropriées pour protéger et promouvoir l’exercice de ce droit sans discrimination fondée sur le handicap.

2. Les États Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à la protection sociale et à la jouissance de ce droit sans discrimination fondée sur le handicap et prennent des mesures appropriées pour protéger et promouvoir l’exercice de ce droit, y compris des mesures destinées à:

a)     Assurer aux personnes handicapées l’égalité d’accès aux services d’eau salubre et leur assurer l’accès à des services, appareils et accessoires et autres aides répondant aux besoins créés par leur handicap qui soient appropriés et abordables ;

b)    Assurer aux personnes handicapées, en particulier aux femmes et aux filles et aux personnes âgées, l’accès aux programmes de protection sociale et aux programmes de réduction de la pauvreté ;

c)     Assurer aux personnes handicapées et à leurs familles, lorsque celles-ci vivent dans la pauvreté, l’accès à l’aide publique pour couvrir les frais liés au handicap, notamment les frais permettant d’assurer adéquatement une formation, un soutien psychologique, une aide financière ou une prise en charge de répit ;

d)    Assurer aux personnes handicapées l’accès aux programmes de logements sociaux ;

e)     Assurer aux personnes handicapées l’égalité d’accès aux programmes et prestations de retraite.

Article 27

Travail et emploi

1. Les États Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, favorisant l’inclusion et accessibles aux personnes handicapées. Ils garantissent et favorisent l’exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont acquis un handicap en cours d’emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour notamment :

a)     Interdire la discrimination fondée sur le handicap dans tout ce qui a trait à l’emploi sous toutes ses formes, notamment les conditions de recrutement, d’embauche et d’emploi, le maintien dans l’emploi, l’avancement et les conditions de sécurité et d’hygiène au travail.

b)    Protéger le droit des personnes handicapées à bénéficier, sur la base de l’égalité avec les autres, de conditions de travail justes et favorables, y compris l’égalité des chances et l’égalité de rémunération à travail égal, la sécurité et l’hygiène sur les lieux de travail, la protection contre le harcèlement et des procédures de règlement des griefs ;

c)     Faire en sorte que les personnes handicapées puissent exercer leurs droits professionnels et syndicaux sur la base de l’égalité avec les autres ;

d)    Permettre aux personnes handicapées d’avoir effectivement accès aux programmes d’orientation technique et professionnel, aux services de placement et aux services de formation professionnelle et continue offerts à la population en général ;

e)     Promouvoir les possibilités d’emploi et d’avancement des personnes handicapées sur le marché du travail, ainsi que l’aide à la recherche et à l’obtention d’un emploi, au maintien dans l’emploi et au retour à l’emploi ;

f)     Promouvoir les possibilités d’exercice d’une activité indépendante, l’esprit d’entreprise, l’organisation de coopératives et la création d’entreprise ;

g)    Employer des personnes handicapées dans le secteur public ;

h)     Favoriser l’emploi de personnes handicapées dans le secteur privé en mettant en œuvre des politiques et mesures appropriées, y compris le cas échéant des programmes d’action positive, des incitations et d’autres mesures ;

i)      Faire en sorte que des aménagements raisonnables soient apportés aux lieux de travail en faveur des personnes handicapées ;

j)      Favoriser l’acquisition par les personnes handicapées d’une expérience professionnelle sur le marché du travail général ;

k)     Promouvoir des programmes de réadaptation technique et professionnelle, de maintien dans l’emploi et de retour à l’emploi pour les personnes handicapées.

2. Les États Parties veillent à ce que les personnes handicapées ne soient tenues ni en esclavage ni en servitude, et à ce qu’elles soient protégées, sur la base de l’égalité avec les autres, contre le travail forcé ou obligatoire.

Article 4

Obligations générales

3. Dans l’élaboration et la mise en œuvre des lois et des politiques adoptées aux fins de l’application de la présente Convention, ainsi que dans l’adoption de toute décision sur des questions relatives aux personnes handicapées, les États Parties consultent étroitement et font activement participer ces personnes, y compris les enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent.

Article 33

Application et suivi au niveau national

1. Les États Parties désignent, conformément à leur système de gouvernement, un ou plusieurs points de contact pour les questions relatives à l’application de la présente Convention et envisagent dûment de créer ou désigner, au sein de leur administration, un dispositif de coordination chargé de faciliter les actions liées à cette application dans différents secteurs et à différents niveaux.

2. Les États Parties, conformément à leurs systèmes administratif et juridique, maintiennent, renforcent, désignent ou créent, au niveau interne, un dispositif, y compris un ou plusieurs mécanismes suivi de l’application de la présente Convention.  En désignant ou en créant un tel mécanisme, ils tiennent compte des principes applicables au statut et au fonctionnement des institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme.

3. La société civile – en particulier les personnes handicapées et les organisations qui les représentent – est associée et participe pleinement à la fonction de suivi.



[1]      Le Comité spécial a utilisé l’expression « protection sociale » , se basant sur une très large acception telle qu’elle est définie dans le rapport de la Commission du développement social sur les travaux de sa trente-neuvième session (E/CN.5/2001/2).